Depuis les révolutions industrielles, le sous-sol fait l’objet d’une exploitation intensive, notamment décrite au prisme de l’extractivisme qui pointe ses conséquences néfastes et les rapports de force inégaux en jeu. A l’heure des changements climatiques et de la transition écologique, le sous-sol et ses ressources font l’objet d’une attention renouvelée, mais dans quelle mesure de nouvelles utilisations du sous-sol se distinguent-elles des anciennes et permettent des rapports de force plus apaisés ? Chercheurs et chercheuses en histoire, science politique, sciences de la communication et de l’information, géographie, anthropologie, sociologie des sciences et techniques vont croiser leurs approches dans le projet VERTIQUAL pour observer si et comment ce milieu se politise et fait l’objet ou non de redéfinitions.

Enjeux 

Le déclin de l’exploitation du sous-sol français à la fin du XXème siècle a contribué à en invisibiliser les ressources, à marginaliser les acteurs spécialisés et à fragmenter les débats autour de ses usages. 

Si le sous-sol et ses usages ont fait l’objet de séquences de politisation partielle (par exemple au sujet des gaz de schistes), ils ne sont pas au cœur de processus de politisation plus large qui permettrait de débattre sur l’opportunité collective de telle ou telle filière. On entend ici par politisation un processus de construction sociale d’un objet en sujet politique, c’est-à-dire un sujet de débat public, d’action collective et publique et de décision politique. 

Mobiliser le sous-sol dans le cadre la transition écologique suppose de redéfinir des pratiques, des usages, des représentations, des valeurs et des politiques liées au sous-sol qui étaient largement associés à l’extractivisme. C’est à travers ces processus de requalification que se joue le positionnement du sous-sol dans la transition écologique en France, et à travers la capacité d'une société à envisager une définition ouverte de ce que signifie « utiliser » ou non le sous-sol.

Objectifs

Le projet VERTIQUAL s’inscrit dans la continuité de la « géologie politique » et adopte une approche constructiviste et critique des usages du sous-sol. Il ne vise pas à fournir une aide directe à la décision mais à analyser, sans prendre parti, comment le sous-sol est redéfini par différents groupes sociaux. 

Parmi les processus de requalification, la « climatisation » des usages du sous-sol, soit la reproblématisation de certains enjeux à l’aune du changement climatique, entrainant la valorisation de certaines dimensions du problème climatique au détriment d’autres, sera étudiée. « L’écologisation », c’est-à-dire le fait de considérer le sous-sol au prisme de l’intégration des enjeux écosystémiques et physico-bio-chimiques, également. Il s’agit d’identifier la façon dont ces processus de requalification du sous-sol impliquent ou non une redéfinition des héritages sociotechniques (savoir-faire, expertises, …), des politiques relatives aux usages du sous-sol, ou encore des repositionnements des acteurs.

 

Le projet VERTIQUAL s’articule autour de 4 axes :  

  • L’analyse des héritages sociotechniques et notamment les compromis entre les compagnies minières et les riverains au XIXe siècle autour de la gestion des risques liés au sous-sol. Cette perspective historique est cruciale pour informer les transformations et permanences à l’œuvre actuellement ;
  • La cartographie des acteurs du sous-sol, et l’étude de deux dynamiques divergentes de politisation contemporaine : d’une part le réinvestissement « top-down » du sous-sol par l’Etat autour d’enjeux géostratégiques, et d’autre part l’émergence de régulations alternatives « bottom-up » motivées par des enjeux de protection de l’environnement et une exigence démocratique ;
  • La comparaison de différents usages du sous-sol, l’analyse de la façon dont leur matérialité est redéfinie par différents acteurs et les controverses potentielles ; 
  • La production, en lien avec les projets ciblés ANTICIP et JPEC du PEPR Sous-sol, d’un manifeste sur ce qu’implique de penser le sous-sol comme un bien commun. 

Il s’agit également de mobiliser les communautés scientifiques existantes et d’animer une communauté SHS émergente sur les enjeux du sous-sol.

Résultats attendus

VERTIQUAL permettra d’établir une cartographie précise des différents acteurs et discours mobilisés autour des enjeux du sous-sol français, de mieux saisir les controverses et leurs spécificités et de comprendre les dynamiques de repositionnement des acteurs. 

Il contribuera ainsi aux objectifs du PEPR Sous-sol, bien commun qui vise à étudier la politisation du sous-sol, à définir les conditions d'une utilisation durable et à mieux comprendre les conditions de dialogue et d'arbitrage autour des activités du sous-sol en tant que patrimoine commun.

 

Coordinateur 

Sébastien Chailleux, Maître de conférences, Sciences Po Bordeaux, Centre Emile Durkheim et chercheur associé à l'UMR TREE, Université de Pau et des Pays de l'Adour.

Sébastien Chailleux a coordonné plusieurs travaux visant à ouvrir la voie à une étude systémique et systématique des différentes industries du sous-sol, comme le numéro spécial "Pour une géologie politique" (2021) de Natures Sciences Sociétés qui montre la politisation croissante des questions liées au sous-sol et les motifs communs de protestation (revendications environnementales, démocratiques et de justice).

 

Partenaires

  • Sciences Po Bordeaux (établissement coordinateur)
  • BRGM
  • Centre de Recherches Historiques de l’EHESS
  • Centre Alexandre Koyré de l’EHESS
  • INRAE
  • Université de Strasbourg