Le sous-sol de la Guyane a souvent été appréhendé selon une approche uniquement extractive, notamment minière, faisant de lui un sujet politisé et controversé. Le projet GOYAVES vise à sortir de cette vision restrictive en analysant les liens innombrables entre les sociétés humaines de Guyane et leur sous-sol, afin que celui-ci puisse être perçu et gouverné comme un véritable bien commun et que les autres activités qu’il abrite soient davantage mises en avant.

Enjeux

Parmi les territoires étudiés dans le cadre du PEPR Sous-Sol, bien commun, la Guyane présente de nombreuses spécificités : outre sa position géographique et son histoire, elle associe différentes cultures dans un environnement riche et largement méconnu, dans un contexte actuel de fragilité économique et de tensions socio-politiques. 

Le projet GOYAVES réunit 9 établissements de recherche réfléchissant sur la question des liens entre le sous-sol et les sociétés humaines de la Guyane. Leur objectif commun est de contribuer à élaborer des scénarios et des visions partagées des géoressources et des socio-écosystèmes de ce territoire. Sur la partie sous-sol, le projet s’intéressera plus particulièrement au régolithe qui est, en Guyane, le niveau où se situent la plupart des enjeux actuels (eaux souterraines, risques naturels, matières premières facilement accessibles, etc.). En effet, le régolithe est l’espace dont l’épaisseur peut dépasser plusieurs dizaines de mètres et qui joue le rôle d’interface entre le socle rocheux et les activités humaines et biologiques de proche surface.

Résultats attendus 

Le projet GOYAVES vise 2 objectifs principaux : 

  • Apporter de nouvelles connaissances scientifiques sur la structure et sur les fonctions du sous-sol guyanais, dans ses multiples facettes (géologiques, écologiques, sociologiques, historiques, etc.).
  • Apporter des représentations potentiellement nouvelles et mieux partagées par les acteurs guyanais, de la gestion actuelle et future (horizon 2040) des ressources de leur territoire, mais à un niveau plus intégré. Ce niveau signifie que ces nouvelles représentations se défocaliseront du seul sujet de la mine pour parvenir à une vision plus globale du sous-sol au sein de la société guyanaise, et ainsi à une perception moins fragmentée et moins clivante de ce sous-sol.

Cette vision globale pourrait alors induire un ajustement de la stratégie publique concernant les ressources du sous-sol guyanais afin que celui-ci puisse être désormais perçu et géré comme un véritable bien commun. Cet ajustement porte notamment sur une mise à jour des choix publics concernant la protection du sous-sol guyanais, son exploitation et/ou son utilisation à des fins d'aménagement du territoire.

Organisation du projet

Carte géologique de la Guyane (France)

Carte géologique de la Guyane (France).

© BRGM

Synthèse des données actualisées concernant le sous-sol de Guyane, à l’échelle du territoire

L’objectif de cet axe de travail est de mettre à jour les données géologiques, physiques (topographie, hydrologie) et géohistoriques de la Guyane française. Cela inclut la numérisation, le géoréférencement et la bancarisation des cartes géologiques anciennes et des données sociales historiques (démographiques, économiques, sociologiques).

La carte géologique sera améliorée en utilisant des données géophysiques et topographiques disponibles, ainsi que les résultats d'études dédiées (géochronologie, géochimie, structurale) sur le sous-sol rocheux afin de mieux comprendre son évolution (origine et filiation des magmas, calage temporel des épisodes magmatiques et métamorphiques, modalités de la déformation, chemins PTt) et son influence sur le régolithe.

L'étude du régolithe se concentrera sur ses processus et chronologie de formation, son potentiel en géoressources et son rôle en termes de risques naturels. Les résultats incluront une nouvelle carte géologique qui sera mis en vis-à-vis d’un atlas historique des migrations.

Usages et représentations de la géo-diversité : stratégie d’acteurs et enjeux territoriaux

En articulant géosciences et sciences sociales, l’objectif de cet axe de travail est multiple : 

  • Créer des indicateurs associant les potentiels de la géodiversité avec leurs fonctions dans les socio-écosystèmes qui la mobilisent. Cette démarche repose sur l’identification des usages légaux ou illégaux de la ressource, des acteurs et des échelles (habitants, OSC, entreprises locales et FTN, institutions publiques). L’or est un exemple.
     
  • Analyser la dimension légitime (l’espace légitime) des stratégies d'acteurs, liant ressource et appropriation territoriale. On croisera visualité et territorialité à partir de l’iconologie politique. Ainsi, la relation santé-géodiversité (pollution mercurielle) génère des effets sur les représentations.
     
  • Développer une analyse alternative des enjeux fonciers et proposer des clefs pour des choix d’aménagement et de gouvernance participative.
     
  • Co-construire avec les parties prenantes un modèle conceptuel unique, articulant les différentes représentations du sous-sol par la société en Guyane, afin d’avoir une compréhension partagée des décisions et des interactions actuelles sur le territoire. Ce modèle sera à la base de la conception d’outils de création de scénarios prospectifs.
Visite de la carrière du Galion, à proximité de Cayenne (Guyane, juin 2018).

Visite de la carrière du Galion, à proximité de Cayenne (Guyane, juin 2018).

© BRGM - Bénédicte Pesset

Co-élaboration des scénarios pour le futur

Ce troisième axe de travail posera la question des trajectoires, c’est-à-dire de l’évolution souhaitée ou imposée des relations entre les sociétés et le sous-sol en Guyane en raison des enjeux actuels : emploi, croissance démographique, développement économique local, recherche de nouvelles ressources, adaptation des modes d’occupation des sols, changement climatique, nécessité de préservation de la biodiversité, santé publique, etc.

Les équipes se pencherons ainsi sur la co-construction de scénarios prospectifs en engageant les parties prenantes concernées, et progresserons vers la délibération (évaluation multi-acteurs et multicritères) sur la capacité de chaque scénario à répondre aux enjeux respectifs des parties prenantes. 

Cette réflexion impliquera des interactions avec l’ensemble des acteurs du territoire, en utilisant diverses méthodes telles que l’élaboration conjointe des questions scientifiques (en s’appuyant sur la modélisation d’accompagnement) et des jeux sérieux basés sur l’intelligence collective.

Conserver une mémoire locale des travaux réalisés

Enfin, une attention particulière sera portée à l’ancrage local des recherches conduites et aux retombées qu’elles peuvent avoir sur le territoire guyanais, y compris en dehors des acteurs établis de la recherche scientifique. Pour assurer un réel effet transformant de long terme pour le territoire, la phase finale du projet prendra la forme d’une réflexion sur le cahier des charges d’un muséum ou d’un conservatoire des relations « Vivant – Sous-sol » et de leur évolution dans le temps et dans l’espace en Guyane.

Direction scientifique

Yann Gunzburger (CNRS), co-responsable scientifique du projet GOYAVES.

Yann Gunzburger (laboratoire GeoRessources, université de Lorraine - CNRS), est professeur à l’école des Mines de Nancy. Il est impliqué dans des projets de recherche concernant à la fois le génie minier et l’intégration territoriale des projets extractifs, analysée comme un élément essentiel de la conduite de ces projets, tant pour les entreprises que pour les autres parties prenantes. Il a ainsi acquis une riche expérience dans la recherche fortement interdisciplinaire sur les relations et interactions entre activités extractives et sociétés. Il a contribué au développement de la Chaire « Industrie Minérale & Territoires » et en a été à deux reprises le coordinateur scientifique. Il a participé à plusieurs activités académiques concernant la Guyane et il a également une bonne connaissance des activités minières dans d'autres pays ayant des problématiques minières similaires : Guinée, Côte d'Ivoire, Maroc, Chili, etc.

Fenintsoa Andriamasinoro (BRGM), co-responsable scientifique du projet GOYAVES.

Fenintsoa Andriamasinoro, est en poste au BRGM depuis 2003, en tant que Chercheur en sciences sociales dans les domaines de la mine, de l’après-mine et de la géothermie. Il est titulaire d’une Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) en Socioéconomie, et d’un Diplôme d’Études Universitaires Générales (DEUG / Licence 2) en Sociologie. Ses intérêts de recherche portent sur la réflexion théorique et empirique des méthodes et outils permettant d’accompagner les acteurs d’un territoire dans la co-construction de leur avenir. Il a déjà été coordinateur de deux projets ANR, un dans le domaine des ressources minérales, un autre dans le domaine de la géothermie.

Partenaires 

  • Université de Lorraine
  • Université de Guyane
  • Université de Reims
  • IRD
  • Université Grenoble Alpes
  • INRAE
  • Université de Pau et des pays de l’Adour
  • CNRS
  • BRGM
  • ANR